La promesse de la résurrection nous rend courage.
C'est dans le Christ Jésus, que se trouve l'espoir de notre résurrection.
Sûrs de notre foi, nous savons que la mort réalise ce passage vers Dieu.
Lettre de saint Paul apôtre aux Philippiens (3, 20-21) (4,1)
"Nous sommes citoyens des cieux". Quelle audace de la part de saint Paul d’écrire une chose pareille ! Vous rendez-vous compte : "Nous sommes citoyens des cieux" ? C’est à peine croyable. Peut-être même que certains parmi vous n’arrivent pas à le croire. C’est la foi des disciples du Christ Jésus : "Nous sommes citoyens des cieux". Dans ces conditions il n’est pas étonnant que nous croyions que Jésus transformera nos pauvres corps à l’image de son Corps glorieux.
C'est cette étape qu’est en train de franchir Madeleine Muller. Son pauvre corps amaigri et douloureux, elle l’a abandonné comme un vieux manteau que l’on dépose après s’en être beaucoup servi -pendant quatre-vingt dix ans- parce que là où l’on va, il ne fait plus froid. Ce n’est qu’une vieille écorce, et ce n’est pas triste les vieilles écorces fait dire Saint-Exupéry à son Petit Prince.
Madeleine va revêtir le corps de gloire que le Seigneur veut pour elle, puis plus tard, bientôt peut-être, pour chacun de nous. C’est vrai "le Seigneur est mon berger ", dit le psaume, alors "je ne manque de rien".
C’est pourquoi on peut accueillir le message de bonheur proposé par Jésus : "Heureux les pauvres de cœur, heureux les doux, ceux qui pleurent, les artisans de paix et de pardon et même ceux qui souffrent à cause de Lui ". Il faut, là encore, avoir l’audace de croire dans le Christ, pour proclamer un tel texte le jour d’une inhumation.
Les béatitudes, le paradoxe du christianisme, la hardiesse d’annoncer où se trouve le bonheur qui ne trompe pas, le cœur de la religion chrétienne, la charte de tous les hommes de bonne volonté, la parole de Dieu proclamée le jour de la fête de tous les saints, inconvenance ? Inconscience inouïe ? Non ! Affirmation de l’unique essentiel. Parole qui ne rompt pas le silence mais fait l’union des cœurs, parole d’amour divin qui conduit à l’approfondissement de l’être.
Peut-être pensez-vous : mais il ne nous parle pas de notre mère, notre grand-mère, notre amie ? Mais si j’en parle ! Sur la fin de sa vie, Madeleine se référait sans cesse à l’au-delà, à ce corps glorieux dont parle saint Paul, à ce chemin du bonheur que sont les béatitudes.
Vous savez tous et toutes qu’elle parlait souvent des messages d’Arnaud, qu’elle cherchait à convaincre les sceptiques, qu’elle témoignait de sa foi retrouvée. Elle vivait déjà sur la terre le mystère de la communion des saints.
Elle savait, car elle avait renoué, grâce à des amis ici présents, avec « le Corps du Christ", elle savait qu’en Jésus ressuscité nous sommes destinés à une transfiguration dans la lumière éternelle. Madeleine avait compris que nous sommes plus que ce que nous croyons être. L’indicible nous habite. Au plus profond du cœur de chacun de nous il y a la souffrance, un mystère de solitude, mais c’est pour une communion, la Communion des saints.
Par delà l’épaisseur de l’opacité de notre être de chair et de sang pointe vers le haut l’esprit, le nôtre, créé à l’image et ressemblance de Dieu. Oh ! homme ! femme ! tu es à toi-même ton propre mystère mais ceci est une source de lumière et non d’obscurité. Tu portes en toi la marque, l’effigie de Celui qui t’a créé pour que tu sois divinisé, que tu deviennes dieu en Dieu, configuré à l’amour le plus parfait possible. J’ose dire que nous sommes "en instance de divinisation" parce que, comme le disait saint Athanase : "Dieu s’est fait homme afin que l’homme devienne Dieu".
Chacun(e) de nous est promis à une dépossession de son être pour devenir autre, plus vivant, plus saint, plus efficace, plus lumineux pour, comme disait Thérèse de Lisieux : "passer son ciel à faire du bien sur la terre" et ceci dès le passage sur l’autre rive, sans contrainte d’espace et de temps.
Alors ? « Nous sommes citoyens des cieux! » ; les béatitudes avec les "heureux" qui les introduisent : inconscience inouïe ? Non ! Force de la joie, vigueur de l’espérance, plénitude de charité qui nous élève infiniment au-dessus de notre petitesse, de nos limites, de nos souffrances.
Nous pouvons pleurer à cause de la séparation physique- quand on aime on a de la peine de voir les nôtres nous quitter. Nos pleurs légitimes rejoignent les pleurs de Jésus sur la croix. Mais la croix, c’est un passage, une pâques vers la plénitude de joie à la rencontre de notre bien aimé Seigneur et Sauveur.
Vous me permettrez de conclure avec Arnaud dans "Vers le Soleil de Dieu" (tome II p 249) : "La mort ce n’est pas le vide qui vous reçoit, mais Dieu qui vous attend."
Homélie de Frère Claude,
Archiprêtre de la Cathédrale d'Evreux.
(Inhumation de Madeleine Muller)
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